Thème du Convent à l’étude des Loges 6025
Le thème de l’année pour notre Convent de 6025, « Fahafahana, Firahalahiana, Fandrosoana. De quelle manière nos tenues et nos travaux témoignent-ils de la Liberté, de la Fraternité et du Progrès, et quelles actions communes permettraient d’intensifier la résonance de ces trois principes ? »… Ce thème est, vous en conviendrez, au cœur de notre vocation maçonnique.
Notre Obédience, le Grand Rite Malgache, est par essence souveraine et multi-rites. Cette pluralité n’est pas une faiblesse, mais bien une force inestimable, traduisant concrètement notre engagement envers nos principes. Ces valeurs ne sont pas figées, mais vivantes, incarnées dans nos travaux et notre engagement dans la Cité.
Pénétrons ensemble l’essence de ces trois piliers, tels qu’ils ressortent de vos réflexions.
I. La Liberté (Fahafahana) : Le Souffle Originel
La Liberté est le fondement même de notre idéal, un principe cardinal et non négociable. Ce n’est pas une liberté “sauvage”…sans limites, mais une liberté éclairée, conquise et intériorisée par un travail constant.
Elle se manifeste dans notre Obédience par une liberté de conscience et d’expression inaliénable, toujours dans le respect du cadre symbolique et rituel qui nous unit. Nos Loges sont libres de choisir leur Rite, leur organisation interne, et même leur position sur des sujets de société, une liberté garantie par notre Constitution. Cette autonomie assure la richesse de notre pensée et la dignité de chacun. Notre capacité à débattre d’un sujet aussi sensible que la mixité, sans tabou, en est une preuve éclatante et un marqueur de progrès et de maturité.
La Liberté maçonnique est une responsabilité partagée, un équilibre permanent entre nos règles institutionnelles et la fraternité. Le maillet du Vénérable Maître symbolise une autorité qui structure plutôt qu’elle n’écrase. Le compas nous rappelle que cette liberté se trace dans de justes limites, et l’équerre guide notre droiture morale. La Loge doit être un espace où l’initié se sent en sécurité, libre et confiant.
Cependant, un formalisme excessif, une approche trop orthodoxe, scolaire ou une obsession rituelle peuvent parfois étouffer la parole vive et sincère, empêchant nos planches de sortir des sentiers battus. Le cadre nous permet d’évoluer et tendre vers notre objectif, mais notre objectif n’est pas le cadre.
Notons aussi, qu’une implication excessive de Frères dans d’autres loges peut fragiliser leur Loge d’origine.
Pour renforcer cette Liberté, il est impératif de pousser une pédagogie du questionnement dans nos instructions et planches. Il faut crée des espaces de parole libre, sincère, symbolique mais contemporaine, et traiter plus souvent des planches sur notre devise, les droits humains et la liberté d’expression, ainsi que la coexistence entre dogmatisme et adogmatisme. L’instruction des Apprentis, en particulier, doit accentuer ce principe fondamental. Nos Tenues doivent être des espaces vivants de liberté.
II. La Fraternité (Firahalahiana) : Ciment Spirituel et Force Agissante
La Fraternité, Firahalahiana, est l’essence même du lien maçonnique, le ciment qui confère son sens profond à nos Constitutions et rituels. Au-delà d’une simple bienveillance de façade ou d’un lien social de convenance, elle est une exigence spirituelle, une construction vivante et un engagement profond. Elle transcende les différences rituéliques et générationnelles, se manifestant par une Chaîne d’Union qui lie des Frères de traditions diverses, cultivant le dialogue respectueux et la proposition sans jamais l’imposition.
Au sein du Temple, le Niveau s’impose comme l’outil emblématique de cette Fraternité, nous rappelant avec force notre égalité fondamentale malgré nos différences et nos singularités. Le Pavé Mosaïque, dans sa dualité harmonieuse de noir et de blanc, symbolise cette diversité unie, tandis que le Fil à Plomb nous invite à une droiture fraternelle, dénuée de flatterie ou de jugement, mais ancrée dans la vérité de l’être. Cette Fraternité active se traduit par l’entraide concrète, le soutien aux Frères en détresse, la présence attentive et l’écoute sans préjugés. Elle constitue une arme redoutable contre toutes les formes de domination et de séparation, un pacte de vérité enraciné dans l’essence même de l’être plutôt que dans les apparences.
Pour la renforcer, il est crucial d’intensifier les rencontres inter-loges et inter-rites, de mettre en place des systèmes d’accompagnement solidaire, et de veiller à une ambiance de Loge toujours propice au déploiement de l’amour fraternel. Elle est un engagement qui se manifeste par des actes tangibles, bien au-delà des simples paroles.
III. Le Progrès (Fandrosoana) : Une Tradition en Mouvement
Le Progrès, mes Frères, n’est pas une course effrénée vers l’innovation technique, ni une simple accumulation. C’est un mouvement profond d’élévation de l’homme, du cœur et de l’esprit. Il est la résultante de la Liberté et de la Fraternité, et la finalité de notre travail collectif. Notre histoire au sein du Grand Rite Malgache prouve que nous avons toujours su évoluer tout en restant fidèles à la mission humaniste de nos Pères fondateurs.
Le véritable Progrès commence par une transformation intérieure. C’est l’épanouissement de chaque Frère, l’éveil des consciences, l’émancipation, la maîtrise de soi, et la libération de l’ignorance et des passions. La Loge est notre école du discernement, où nous apprenons à tailler notre pierre brute avec patience et conscience, guidés par nos symboles. Chaque planche, chaque silence, chaque geste est un pas vers la Lumière.
Le Progrès ne peut rester individuel ; il devient fécond lorsqu’il s’inscrit dans une dynamique fraternelle collective. Le fonctionnement multi-rites de notre Obédience est en soi un laboratoire de progrès symbolique, où les traditions se rencontrent et se nourrissent mutuellement. Il doit rayonner au-delà des colonnes du Temple pour irriguer la société. Nos Loges doivent être des centres de réflexion, des laboratoires d’idées pour l’amélioration sociale, touchant l’éducation, la laïcité, la justice, l’environnement, et la lutte contre la pauvreté intellectuelle et morale. Le Progrès, c’est être une meilleure personne qu’hier.
Le Progrès, c’est aussi notre capacité à réinterpréter notre héritage, à l’enrichir à la lumière du présent, pour bâtir un futur fidèle à l’idéal maçonnique. C’est un appel à l’action, exigeant que nous soyons lucides, exigeants et cohérents entre nos principes et nos actes.
Le risque, c’est un progrès immobile, où l’on se contente de recycler les discours anciens sans les adapter aux enjeux du monde contemporain.
Pour stimuler ce Progrès, il a été proposé de raccourcir le mandat du Vénérable Maître de trois à deux ans, pour favoriser le renouvellement et l’accès des jeunes maillons à la Chaire.
De renforcer les voyages, sources de connaissance et d’inspiration, comme l’ont fait les bâtisseurs d’autrefois.
De renforcer le travail, car si la liberté est un droit, le progrès lui, est une œuvre. Renforcer le travail en loge, mais aussi celui des instructions.
IV. L’Unité Vivante des Trois Principes
Ces trois piliers ne peuvent exister isolément ; ils sont interdépendants.
- Sans fraternité, la liberté se pervertit en égoïsme.
- Sans liberté, la fraternité devient contrôle.
- Sans progrès, les deux s’épuisent dans la répétition.
Le Temple lui-même nous enseigne cette unité : la colonne J symbolise notre verticalité (Progrès), la colonne B notre ancrage solidaire (Fraternité), et l’espace entre les colonnes notre marche libre et éclairée (Liberté).
Nous devons réaffirmer notre essence Initiatique et spirituelle et œuvrer à retrouver le monde idéal perdu, celui d’une humanité authentique, en quête de LA connaissance. Pour cela il nous est nécessaire de nous affranchir des contraintes, mais aussi des calculs aliénants du monde profane.
Nous avons aussi le devoir de préserver le SACRÉ, il est la source originelle de nos rituels, et la source de jouvence de notre énergie créatrice. Perdre le sacré, ou le dévoyer c’est se perdre soi-même, c’est faire s’éteindre l’envie. L’envie qui nous anime, l’envie qui peuple nos colonnes, l’envie qui nous fait voyager…
Relisons les rituels encore et encore, ils sont le miroir de ce sacré, et contiennent un trésor… Un trésor… c’est ce qui est précieux et caché… Alors cherchons ! et nous trouverons.
Conclusion
Le Grand Rite Malgache est une Obédience de la Liberté vécue, de la Fraternité éprouvée et du Progrès vivant. Notre diversité, issue de la pluralité de nos Rites, n’est pas une division, mais notre force et notre chance ; elle nous élève ensemble. Les outils symboliques qui meublent nos Temples – le maillet, le compas, le ciseau, la règle, la truelle, l’équerre – ne sont pas là pour être simplement admirés, mais pour être intériorisés et vécus. Notre engagement maçonnique doit être concret.
Fahafahana, Firahalahiana, Fandrosoana ne sont pas des mots figés sur un tableau, ni de simples incantations. Ce sont des forces à activer, des chemins à tracer, des ponts à bâtir. Ils sont un appel constant à l’action, nous obligeant à interroger le sens de notre présence en Loge, le but de notre Maçonnerie, et notre utilité dans la Cité. La Franc-Maçonnerie se vit d’abord à l’intérieur de soi et avec ses Frères ; elle ne peut être réduite à des postures ou des discours stériles.
Notre Obédience est une tradition en mouvement, une œuvre vivante, fidèle à la vocation de la Maçonnerie qui est de recevoir, partager, enrichir et transmettre. L’avenir du Grand Rite Malgache, pour les 63 prochaines années et au-delà, dépendra de la force de conviction, de l’engagement et de la détermination que chaque Frère mettra dans l’accomplissement de cet idéal.
Si nous savons faire de ces principes les leviers d’un engagement authentique, alors, oui, nous serons dignes du titre de Maçons. Non seulement dans le Temple, mais aussi dans le monde profane. Car un Franc-Maçon du Grand Rite Malgache vit et meurt debout.
Nous avons dit.